9 novembre 2022
Une dessinatrice turque accusée d’obscénité risque jusqu’à trois ans de prison
Le 5 octobre 2022, la dessinatrice de presse et illustratrice de bande dessinée, Zehra Ömeroğlu, comparaissait devant le 2ème tribunal de première instance d’Istanbul suite à l’ouverture d’une accusation ex-officio pour obscénité préparée par le bureau du Procureur général d’Istanbul. Elle encourt de six mois à trois ans de prison et une amende.
La procédure fait suite à la publication d’un dessin sur les symptômes du Covid-19 dans le magazine de Bd humoristique LeMan qu’elle qualifie d’humoristique, le 25 novembre 2020. Dans un entretien, Zehra Ömeroğlu déclarait : « Je suis humoriste et le but de mon travail est de regarder les problèmes du quotidien sous un angle différent, avec plus de légèreté afin d’en rire ensemble. Mais même un dessin aussi anodin peut être soumis à un sévère jugement. Les lecteurs ne pensaient pas que mon dessin puisse être puni. »
« Sexe et pandémie… » « Ouf pas de perte du goût et de l’odorat »
Lors de sa comparution, son avocat déclarait que le dessin, réalisé au début de la pandémie, décrivait une scène de vie visant à faire rire les gens pendant la période du confinement. Il a également ajouté que « selon les décisions de la Cour constitutionnelle, la présence d’un élément érotique n’est pas un crime ». Le procureur général a tout de même demandé à la Commission des publications obscènes (« Muzır Neşriyat Kurulu »), lié au Ministère de la famille et des services de la protection des mineurs, de produire un rapport déterminant le caractère obscène ou non du dessin. Cette procédure a déjà été utilisée de nombreuses fois par le passé, dernièrement contre une autre illustratrice de bd, dont la publication avait été jugée obscène. Le verdict de Zehra Ömeroğlu sera rendu à la prochaine audience le 9 février 2023.
A huit mois des élections présidentielles et alors qu’une nouvelle loi sur la désinformation a été adoptée le 13 octobre dernier à l’assemblée Nationale Turque par les députés de la majorité présidentielle, la procédure juridique intenté contre Zehra Ömeroğlu, est à ses yeux, révélatrice du climat politique ambiant. Cette nouvelle loi criminalise la diffusion d’informations dites « trompeuses ». Pour l’opposition ce texte est un énième coup asséné contre la liberté d’expression et les professionnels des médias, qui souffrent de nombreuses restrictions et sanctions dans le pays depuis de nombreuses années, comme le rappelle l’affaire du Cumhuriyet et le cas de Musa Kart. Au classement mondial 2022 de la liberté de la presse publié par Reporters Sans Frontières la Turquie pointe à la 149ème place sur 180.
Cartooning for Peace déplore l’érosion de la liberté d’expression dans le pays et reste attentive aux atteintes portées contre les dessinateurs et professionnels des médias, en commençant par Zehra Ömeroğlu, en espérant que le rapport de la Commission des publications obscènes rejettera l’accusation.