19 juin 2021
Un second dessinateur notifié par Twitter d’une demande d’action par les autorités indiennes.
Après le dessinateur Manjul, le dessinateur G Bala, plus connu sous le nom de « cartoonist Bala » a été notifié par Twitter ce 19 juin 2021 d’une demande d’action légale par les autorités du pays pour « avoir violé les lois » en raison d’un dessin publié le 30 septembre 2020. Cela alors que le 11 juin, les rapporteurs Spéciaux des Nations Unies pointaient la non-conformité de la récente réglementation indienne sur les technologies de l’information de 2021 vis-à-vis des normes internationales en matière de droits de l’homme.
Ce dessin fait référence au jugement de la Cour spéciale de Lucknow du 30 septembre acquittant les dirigeants du Bharatiya Janata Party (BJP), parti du premier ministre actuel Narendra Modi, accusés d’avoir fait partie de la foule d’extrémistes hindous qui a détruit la mosquée Babri Masjid en 1992.
L’email envoyé par la plateforme est similaire à celui reçu quelques semaines plus tôt par le dessinateur Manjul, hormis que pour Manjul il s’agissait de l’ensemble de ses publications qui était visé. Bala a réagi sur son compte Twitter, en publiant l’email reçu avec le dessin incriminé.
La répétition de ces cas pose la question de la volonté des autorités. Ces événements se produisent alors que le 11 juin 2021, les rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont écrit au gouvernement indien au sujet de la récente réglementation indienne sur les technologies de l’information de 2021 (directives pour les intermédiaires et code d’éthique des médias numériques) à laquelle les « intermédiaires » en ligne doivent se conformer, ne sont pas conformes aux normes internationales en matière de droits de l’homme dans leur forme actuelle. Un courrier auquel les autorités indiennes ont répondu par l’intermédiaire de leur représentation permanente auprès du bureau des Nations Unies à Genève.
Le 11 juin 2021
Quatre jours après avoir été notifié par Twitter d’une demande d’action contre son compte de la part des autorités indiennes, le dessinateur Manjul a été licencié par Network18 un conglomérat de médias pour qui il travaillait depuis 6 ans.
De même, selon le média Scroll.in, un avocat ayant partagé un dessin du dessinateur Satich Acharya recevait également un email de la compagnie Twitter l’informant d’une requête du gouvernement indien.
Au même titre que RSF, Cartooning for Peace dénonce la censure à laquelle fait face le dessinateur Manjul et s’inquiète de l’acharnement du gouvernement à l’encontre de dessinateurs ou de personnes partageant des dessins de presse.
Un dessinateur notifié par Twitter d’une demande d’action par les autorités de son pays
Ce 4 juin 2021, le département légal de Twitter (Twitter Legal) a informé par email le dessinateur Manjul, qu’ « un organisme autorisé (maintien de l’ordre ou agence gouvernementale) » avait émis une demande relative à son compte @Manjultoons, au motif que le contenu publié violait les lois du pays.
Dans cet email (voir ci-dessous), Twitter informe le dessinateur n’avoir entrepris aucune action en réponse à la requête. Twitter ne précise pas dans son email quelle institution est à l’origine de cette requête et quelle en est la teneur. N’étant pas en mesure de fournir un conseil légal, ils suggèrent également au dessinateur divers options de réponse, consistant à contacter un conseiller juridique ou encore supprimer le contenu de son compte si le dessinateur le souhaite. Manjul a réagi sur son compte Twitter en publiant la capture d’écran du mail avec pour message « Salut le gouvernement Modi ! ». Deux autres tweets ont suivi, l’un d’eux rappelant à juste titre que la requête ne précise pas quel tweet violait les lois du pays. Manjul a récemment publié une série de dessins critiquant l’inaction du gouvernement de Narendra Modi face à la seconde vague du Covid-19, qui a particulièrement frappé l’Inde.
Cette nouvelle tentative de censure d’un dessinateur par le gouvernement indien démontre en tout cas un inquiétant rétrécissement de l’espace démocratique dans le pays, à quelques années des élections générales. D’ailleurs, depuis l’annonce, de nombreux dessinateurs indiens ont exprimé leur soutien au dessinateur et condamné la censure dont ils font l’objet. C’est le cas de Rachita Taneja, elle-même toujours visée par une procédure judiciaire pour outrage à la Cour Suprême.
Cartooning for Peace accueille favorablement la démarche d’information de l’entreprise et restera à l’écoute de l’éventuelle réponse qu’elle apportera à la demande. Notons qu’en avril 2021, Twitter a censuré 52 tweets critiquant le gouvernement indien pour sa gestion de la crise sanitaire, selon une enquête de Medianama.