Pouvez-vous nous parler du partenariat qui lie Cartooning For Peace et la Fédération Léo Lagrange. Comment est né ce partenariat ?
Estelle Rossi : Nous nous sommes rencontrés en 2016 à l’occasion d’un forum organisé pour les associations lauréates de « la France s’engage ». En échangeant, nous avons tout de suite perçu les complémentarités de nos actions respectives notamment sur le thème de l’éducation à la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations.
Pourquoi un partenariat avec la Fédération Léo Lagrange et Cartooning For Peace semblait évident ? En quoi est-il enrichissant ?
Estelle Rossi : Nous partageons le même socle de valeurs, les missions éducatives de nos deux associations se recoupent et nous poursuivons les mêmes enjeux d’éducation aux médias et à la citoyenneté. C’est une base nécessaire et solide !
Le dessin de presse est un média puissant pour échanger, débattre. Pour nous, c’est une véritable opportunité pour diversifier nos modes de débats.
La question de l’éducation à l’image, à la citoyenneté sont des questions intemporelles. Y réfléchir à plusieurs est forcément un atout.
Qu’est-ce qu’un dessin de presse, un dessinateur de presse ?
Kak : Littéralement, un dessin de presse est un dessin paru dans la presse, et qui traite en général d’actualité. Mais l’expression inclut de plus en plus les dessins d’actualité parus sur les blogs des dessinateurs eux-mêmes, même si aucun journal ne les a publiés. On peut étendre cette logique aux dessinateurs : un dessinateur de presse est censé être publié dans la presse, mais un certain nombre d’entre eux y parviennent de moins en moins et ont en parallèle un métier qui leur permet de faire bouillir la marmite.
Quelle est la valeur pédagogique du dessin de presse dans l’éducation populaire ?
Kak : C’est un moyen ludique d’attirer le lecteur vers l’actualité : ça se lit rapidement, et c’est souvent humoristique. En outre, certains d’entre eux synthétisent une problématique en une seule image, car les dessinateurs de presse sont très documentés. Enfin, le dessin peut véhiculer une opinion, et c’est un bon point de départ pour débattre. C’est donc un fantastique support pour faire de la pédagogie, auprès des jeunes notamment.
Quelles actions ont été mises en place depuis la rencontre de nos deux associations en 2016 ?
Estelle Rossi : Notre première expérience de partenariat s’est concrétisée à l’occasion de la convention professionnelle Léo Lagrange de l’engagement que nous avons organisée en juin 2017 sur le thème « Territoires & Frontières ». Le dessinateur de presse Z a animé une conférence, est revenu sur son parcours et a présenté des outils pédagogiques créés par Cartooning for Peace, notamment l’exposition « Tous Migrants ». Plusieurs expositions réalisées par Cartooning For Peace ont été régulièrement accueillies au sein de structures socio-éducatives gérées par la Fédération Léo Lagrange. Par ailleurs, des formations ont également été organisées pour permettre aux acteurs du réseau Léo Lagrange de s’approprier les expositions et de réfléchir à la manière dont ils pouvaient imaginer une intervention auprès de leurs publics.
En 2018, nous avons sollicité Cartooning For Peace pour répondre conjointement à un appel à projet de la DILCRAH (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT) dans le cadre du plan de mobilisation contre la haine et les discriminations anti-LGBT. Les Images de la diversité étaient nées ! Cartooning For Peace a mis à disposition des dessins de presse et nous nous sommes occupés de l’ingénierie pédagogique. Ce support pédagogique illustre bien notre complémentarité. Nous en sommes d’ailleurs à la 3e édition des Images de la diversité !
En quoi le dessin de presse peut-il être un outil pour lutter contre toute forme de violence ?
Kak : Dans sa démarche, déjà, le dessinateur est particulièrement pacifique : il s’exprime silencieusement, en traçant des lignes sur une feuille. C’est probablement une des formes d’expression les plus pacifiques ! Même si son propos est dur, il l’exprime à travers l’art et, la plupart du temps, l’humour. C’est donc une belle démonstration qu’on peut dire des choses fortes sans violence physique. Par ailleurs, dans nos ateliers, nous l’utilisons pour créer les conditions du débat, en incitant chacun à écouter l’autre et à accepter les points de vue différents.
Quelles sont les vertus de l’humour et du second degré sur cette thématique ?
Kak : L’humour est une forme de langage en soi. Nous passons de plus en plus de temps à décrypter ses codes avec les élèves, afin qu’ils essaient de comprendre le sens du dessin, au lieu de réagir de façon épidermique sur la base de leur première émotion. En particulier pour le second degré. Par ailleurs, le propre de l’humour est de prendre de la distance avec le sérieux des choses, d’être capable, ne serait-ce qu’un instant, de dédramatiser un sujet, une situation. Tout le monde en est capable, si les conditions sont réunies.
Quels sont les projets à venir ?
Estelle Rossi : La force de ce partenariat est de ne pas être figé. Il est en constante évolution et se construit au gré des opportunités et de nos complémentarités. C’est un partenariat vivant. C’est là où réside toute sa force ! Nous sommes en veille sur un certain nombre d’appels à projets, nous continuons de réfléchir à de nouveaux outils autour des thèmes qui nous sont chers : l’éducation, la citoyenneté, l’esprit critique… Ce partenariat a de belles années devant lui. C’est simple quand on partage les mêmes valeurs !