20 janvier 2025
Deux dessinateurs indiens ont été informés par X de plusieurs demandes d’action de la part de la police concernant des dessins publiés sur la plateforme
Le 29 novembre 2024, Satish Acharya reçoit deux mails de la plateforme X l’informant d’une requête de la police de Mumbai visant à supprimer deux de ses dessins. Le 13 décembre 2024, le dessinateur reçoit de nouveau un mail de X, l’informant d’une nouvelle requête de la police concernant un troisième dessin.
Le 3 janvier 2025, c’est au tour du dessinateur indien Manjul de recevoir une notification similaire de la part de la police de Mumbai.
Les dessins de Satish Acharya sont accusés de violer la loi indienne sur les technologies de l’information (India’s Information Technology Act), celui de Manjul de violer les « loi(s) indiennes ».
Les deux dessinateurs, qui n’avaient pas reçu de plainte officielle, ont posté les notifications sur leurs réseaux sociaux et affirmé au média The Telegraph Online ne pas avoir peur de continuer à exercer leur droit à la liberté d’expression.
Ces démarches entreprises par les autorités indiennes illustrent le recours croissant de celles-ci aux lois sur la sécurité numérique pour censurer les dessinateurs, en particulier depuis 2021 et les règles sur les technologies de l’information (lignes de conduite pour intermédiaires et code d’éthique pour les médias numériques), émises par le gouvernement en vertu de la loi sur les technologies de l’information de 2000. En juin 2021, Manjul avait déjà fait l’objet de démarches similaires pour un dessin publié sur Twitter. Quelques jours plus tard c’était un autre dessinateur indien, Bala, qui avait été notifié par Twitter de procédures similaires lancées par les autorités indiennes, pour un dessin publié en septembre 2020.
Si X n’a pas donné suite à ces requêtes et n’a donc pas supprimé les dessins, Manjul a déclaré que ces notifications « ont un effet dissuasif sur la liberté d’expression et le journalisme », ce qui favorise « un environnement d’autocensure ». Ce témoignage est particulièrement évocateur de la constante diminution de l’espace démocratique dans le pays, et de la volonté des autorités indiennes de restreindre et censurer la liberté d’expression en ligne en exerçant une pression sur ces plateformes numériques.
Selon Amnesty International, les réglementations sur les technologies de l’information permettent à une « unité de vérification des faits du gouvernement central » de qualifier de « faux, mensongers ou trompeurs » les contenus en ligne « concernant toute activité du gouvernement central ». Dans ce cadre, les intermédiaires d’Internet comme les réseaux sociaux sont tenus de « supprimer tous les contenus ainsi désignés, faute de quoi leur responsabilité risquerait d’être engagée pour les informations émanant de tiers publiées sur leur plateforme ».
Cartooning for Peace s’inquiète de la volonté affichée du gouvernement indien de censurer tout contenu en ligne qui ne s’aligne pas sur le récit nationaliste hindou du Bharatiya Janata Party (BJP), et relaie les préoccupations de Manjul concernant le métier de dessinateur de presse dans le pays : « Il devient de plus en plus difficile de publier la plupart de nos travaux sans craindre les réactions négatives, le harcèlement ou pire encore. »
Dessin : Manjul (Inde)