Au début des années 1990, Plantu, journaliste et dessinateur pour les journaux français Le Monde et L’Express, réussit à faire signer un dessin par Yasser Arafat, leader de l’OLP, et Shimon Pérès, le ministre israélien des Affaires étrangères. Il se rend alors compte que « le langage du dessin est non seulement capable de rassembler mais aussi de faire passer un message qui transgresse les interdits ». C’est donc en s’interrogeant sur le rôle du dessinateur de presse que Plantu a pensé le projet Cartooning for Peace, et en a fait part au secrétaire général des Nations unies de l’époque, et prix Nobel de la paix en 2001, Kofi Annan.
En 2005, suite aux réactions sanglantes à la publication des caricatures de Mahomet dans le journal danois, le Jyllands-Posten, le 30 septembre, il devient indispensable de réfléchir au rôle journalistique des dessinateurs, c’est-à-dire à leur responsabilité vis-à-vis des lecteurs.
Une rencontre fondatrice est alors organisée le 16 octobre 2006 à New York : Kofi Annan et Plantu réunissent douze dessinateurs internationaux autour d’un colloque «Désapprendre l’intolérance – dessiner pour la paix».
Les douze dessinateurs présents : Ann Telnaes (Etats-Unis), Baha Boukhari (Palestine), Carsten Graabaek (Danemark), Cinthia Bolio (Mexique), Gado (Kenya), Jean Plantu (France), Jeff Danziger (Etats-Unis), Liza Donnelly (Etats-Unis), Michel Kichka (Israël), Mike Luckovich (Etats-Unis), No-río (Japon), Ranan Lurie (Etats-Unis).
L’association Cartooning for Peace naîtra de cette rencontre.
Extrait du discours de Kofi Annan, secrétaire des Nations Unies (1997-2006) et prix Nobel de la paix (2001):
« J’ai toujours pensé que les dessins humoristiques occupent une place prépondérante dans la presse. Ils jouent un rôle particulier en façonnant l’opinion publique, car une image a généralement sur le cerveau un effet plus fort et plus direct que des mots, et aussi parce qu’il y a beaucoup plus de gens qui sont prêts à regarder un dessin qu’à lire un article.
Si vous feuilletez un journal, le fait de s’arrêter pour lire un article demande une décision délibérée, mais il est pratiquement impossible de ne pas regarder un dessin.
Les dessinateurs ont donc beaucoup d’influence sur la façon dont différents groupes de personnes se perçoivent mutuellement.
Ils peuvent nous encourager à porter un regard critique sur nous-mêmes, et accroître notre empathie vis-à-vis des épreuves et des frustrations d’autrui. Mais ils peuvent aussi faire le contraire. En bref, ils ont une lourde responsabilité.
Les dessins humoristiques nous font rire. Sans eux, notre vie serait nettement plus morose. Mais ils font plus que cela: ils ont le pouvoir d’informer, mais aussi d’offenser. Hormis la douleur physique, peu de choses peuvent nous atteindre plus directement qu’une caricature de nous-mêmes, d’un groupe auquel nous appartenons ou, pire encore peut-être, d’une personne que nous respectons profondément.
Autrement dit, les dessins humoristiques peuvent à la fois exprimer et encourager l’intolérance, et aussi la provoquer. La triste vérité est qu’ils font souvent les trois à la fois.
Par conséquent, si nous entendons « désapprendre » l’intolérance, comme nous invite à le faire le titre de cette série de séminaires, il nous faut ouvrir le débat aux dessinateurs.
Ils peuvent nous aider à regarder leur travail et les réactions qu’il suscite en nous de manière plus lucide. »