Cartooning for Peace / Le dessin de presse aux Philippines : entre vitalité et raréfaction

Le dessin de presse aux Philippines : entre vitalité et raréfaction

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Ce 29 août 2022, le dessinateur de presse membre de Cartooning for Peace, Zach, annonçait sur son compte Twitter, la triste fin de la publication du dessin de presse par The Philippine Star, l’un des journaux les plus diffusés dans le pays. Dans le même tweet, il rappelait qu’en mars de cette année, le Philippine Daily Inquirer l’avait précédé.

De tristes nouvelles qui marquent probablement la fin d’une époque comme l’évoque le Center For Media Freedom and Responsability (CMFR) dans un article complet publié en réaction au Tweet de Zach. L’organisation rappelle cependant que la fin de la publication dans ces journaux est contrebalancée par la montée d’une génération de dessinateurs actifs sur les réseaux sociaux, au rang desquels « Zach, Tarantadong Kalbo, Kapitan Tambay, and Isang Tasang Kape ».

Dessin de Kalbo, publié par le CMFR. « Pas de poste à pourvoir. « Les temps changent mon ami. » « Oui. » »

Des dessinateurs emprunts d’une grande solidarité qui s’attaquent aux questions sociopolitiques qui affectent les Philippins. En 2019 par exemple, Zach et Isang Tasang Kape fondaient le collectif Pitik Bulag dont la plateforme doit permettre l’expression de cette génération de dessinateurs de presse et de bande dessinée engagés. En mars, le collectif a collaboré avec le #FactsFirstPH, une initiative soutenue par le site d’information Rappler de Maria Ressa, Prix Nobel de la Paix 2021 (avec Dmitry Muratov) pour lutter contre la désinformation et les fausses nouvelles en ligne. En 2021, le poing levé publié par le dessinateur Tarantadong Kelbo pour signifier le mécontentement de la population face à l’administration du pays a généré un mouvement créatif d’ampleur, traduisant l’importance de ce moyen d’expression.

 

Dessin de Isang Tasang Kape publié pour la journée nationale de la liberté de la presse aux Philippines 2022

Comme l’écrit également le CMFR, déjà, lors de sa visite aux Philippines en 2015, Cartooning for Peace exprimait que : « Les caricatures transcendent les barrières linguistiques et pourraient être un instrument de paix (entre autres) ; nous ne pouvons pas avoir une histoire sans images ; et les caricatures éditoriales rapprochent les questions sociales des lecteurs. »

Cependant, cette vitalité ne doit pas faire oublier le caractère préoccupant de la fin de la publication du dessin de presse dans ces deux journaux. Ni même que le journalisme et le dessin de presse sont sujets à la pression, voire à la censure comme l’illustrent les procès pour cyber diffamation intenté par le précédent gouvernement contre Maria Ressa et Rappler. L’un d’eux était déjà en cours en 2020 dans un pays classé 147 ème sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse 2022 de Reporters Sans Frontières (RSF). Zach précisait d’ailleurs qu’il n’est pas rare de subir harcèlement, injures, accusations et même des menaces de mort en ligne de la part de détracteurs et de militants politiques. En juin 2022, Amnesty International et Human Rights Watch en appelaient d’ailleurs le nouveau gouvernement à garantir le respect des Droits Humains, en ce y compris la liberté d’expression.

Aujourd’hui aux Philippines, la situation du dessin de presse est donc paradoxale et mérite une attention particulière. Cartooning for Peace en appelle au respect de leur liberté d’expression, pour que ces derniers puissent continuer à contribuer sereinement au débat démocratique, quel que soit le moyen de diffusion.

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