Cartooning for Peace / Alerte Inde – Vikatan (Hasif Khan)

Alerte Inde – Vikatan (Hasif Khan)

Alerte en cours

10 mars 2025

Lors d’une audience qui s’est tenue le 6 mars 2025, la Haute Cour de Justice de Madras, dans l’État du Tamil Nadu, a rendu une ordonnance provisoire exigeant du Ministère de l’information et de la radiodiffusion de l’Union qu’il procède au déblocage du site internet du magazine tamoul Vikatan, sous réserve de la suppression du dessin à l’origine du blocage réalisé par Hasif Khan.

Lors de l’audience, l’avocat principal de Vikatan a plaidé que le dessin constituait une forme d’expression artistique protégée par la liberté d’expression et la liberté journalistique. Il a par ailleurs mis en avant que le blocage du site internet de Vikatan dans son ensemble constituait une mesure disproportionnée qui portait également atteinte à ses droits économiques.

Ce dernier argument a été entendu par la Haute Cour de justice de Madras, dont la décision intervient en réponse à la requête déposée par le magazine Vikatan contestant l’ordonnance du Ministère du 25 février 2025 relative au blocage du site internet. Le magazine a déclaré sur ses réseaux sociaux avoir retiré le dessin incriminé, et le site internet est désormais libre d’accès. La juridiction  doit désormais se prononcer sur la question de savoir si le dessin relève de la liberté d’expression, telle que garantie par l’article 19(2) de la Constitution ou si son blocage relève des restrictions autorisées par la section 69A de la loi sur les technologies de l’information qui permet au gouvernement « de bloquer l’accès à l’information pour protéger la sécurité nationale et les relations amicales avec les pays étrangers. »

Une nouvelle audience est prévue le 21 mars 2025.

Cartooning for Peace suit avec attention cette affaire qui met en lumière les pratiques de censure exercées sous le couvert de la législation relative aux technologies de l’information en Inde.

 

Sources :

 


 

26 février 2025

Le 15 février 2025, le magazine d’information tamoul Vikatan a publié un communiqué sur ses réseaux sociaux dénonçant le blocage de son site internet en Inde, sur une partie du territoire,  à la suite de la publication d’un dessin. Le dessin en question, réalisé par le dessinateur Hasif Khan, montre le premier ministre indien enchaîné aux côtés du président américain Donald Trump. Il s’agirait d’une critique de la gestion diplomatique de Narendra Modi face aux expulsions de citoyens indiens par les Etats-Unis (1). Certains des citoyens expulsés ont témoigné avoir été enchaînés avant d’être placés dans leur avion de retour (2).

Ce dessin a été critiqué par les partisans du parti politique BJP (Bharatiya Janata Party) au pouvoir. Le leader du parti dans l’Etat du Tamil Nadu, K. Annamalai, a affirmé sur ses réseaux sociaux s’être plaint de la publication du dessin auprès du Conseil de la presse de l’Inde et du ministère de l’intérieur et du commerce. Il a également accusé le magazine d’être « le porte-parole du parti DMK (Dravida Munnetra Kazhagam) », au pouvoir dans l’État du Tamil Nadu. Le ministre en chef de cet État, membre du DMK, a condamné le blocage du site du magazine à l’initiative du ministère de l’Information et de la radiodiffusion de l’Union (3). Ce dernier se prévaudrait de la Section 69A de la loi sur les technologies de l’information qui permet au gouvernement « de bloquer l’accès à l’information pour protéger la sécurité nationale et les relations amicales avec les pays étrangers. »

 

L’auteur du dessin, le dessinateur de presse Hasif Khan, se dit victime de trolling sur les réseaux sociaux de la part de partis politiques. Ce n’est pas la première fois qu’il subit ce genre d’attaques à la suite d’un dessin visant les dirigeants du pays.

Le 16 février, le magazine a reçu une notification officielle du ministère de l’information et de la radiodiffusion de l’Union, indiquant que le comité interdépartemental, prévu par la loi sur les technologies de l’information, mènerait une enquête sur le blocage de cette caricature. Lors d’une interview, le ministre d’État de l’information et de la radiodiffusion de l’Union, L. Murugan, a déclaré que des poursuites avaient été engagées.

En réaction à cette censure du magazine Vikatan, des journalistes ont manifesté le 18 février 2025 à Chennai (Tamil Nadu) pour exprimer leur solidarité.

À la suite du blocage, Ananda Vikatan a réagi sur X : « Depuis un siècle, Vikatan a toujours défendu la liberté d’expression. Nous avons toujours fonctionné avec la liberté d’expression au premier plan et nous continuerons à le faire. Si le site web a effectivement été bloqué par le gouvernement central en raison de cette image de couverture, nous tenons à préciser que nous ferons face à la situation par les voies légales. »

 

Selon nos informations, le site restait bloqué à ce jour.  

 

Reporters Sans Frontières souligne que sous les mandats de Narendra Modi, un ensemble de législations a été mis en œuvre, conférant au gouvernement un pouvoir excessif pour réguler les médias, censurer les informations et réduire au silence les voix dissidentes.

En novembre 2023, Kak, président de Cartooning for Peace, écrivait déjà : « Lancés dans une folle course au nationalisme, s’appuyant sur les courants intégristes hindous, et au contrôle des grands médias, Narendra Modi et ses sbires ont rejoint la famille des censeurs décomplexés. Le pays a chuté au 161e rang sur 180 du Classement mondial de la liberté de la presse (Reporters sans frontières) et les dessinateurs s’y voient cernés par les mesures répressives et les hordes des réseaux sociaux, coordonnées par un pouvoir parfaitement rodé au bon usage du harcèlement numérique. »

 

Le blocage du magazine Vikatan intervient dans un pays où les médias en ligne restent la principale source d’information du public. Ces dernières années, un nombre significatif de médias en ligne a subi des restrictions, notamment par le biais du blocage de leurs pages Facebook ou de leurs sites internet, à la demande des autorités publiques. En début d’année, deux dessinateurs de presse indiens ont fait l’objet d’une censure sur le réseau social X-Twitter, concernant des dessins accusés de contrevenir à la législation relative aux technologies de l’information. Les autorités indiennes recourent également aux coupures Internet comme moyen de répression.

 

Cartooning for Peace exprime son inquiétude face au durcissement de la censure en ligne imposée par le gouvernement indien, une situation qui affecte les dessinateurs de presse. La liberté d’expression, reconnue comme un droit fondamental protégé par la Constitution indienne, est ainsi mise en péril.

 

 

Sources :

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