6 janvier 2025
Disparition du dessinateur de presse et influenceur Kibet Bull
Dessinateur et influenceur sur les réseaux sociaux, critique du président kenyan William Ruto, Gideon Kibet alias Kibet Bull est porté disparu depuis sa rencontre le 24 décembre à Nairobi avec le sénateur de l’opposition Okiya Omtata. Étudiant, il devait se rendre en Israël le 27 décembre dans la perspective d’étudier à l’Université de Tel Aviv mais n’a plus donné signe de vie depuis sa disparition. Son frère est également porté disparu.
Dans un communiqué de presse publié le 28 décembre 2024 repris par le Kenya Times, la East African Cartoonists Society (KATUNI) s’inquiète de cette disparition et dénonce un enlèvement, qui s’inscrit dans le contexte d’une série de disparitions de voix dissidentes au régime, notamment de jeunes influenceurs sur les réseaux sociaux. L’organisation dénonce un climat d’intimidation délétère pour la liberté d’expression et exhorte la police nationale à rendre des comptes, tandis que celle-ci nie toute implication dans la disparition du dessinateur. Des informations parues dans la presse mentionnent que des agents auraient déjà fait irruption au domicile de Kibet Bull à Nakuru, localité située à environ 150 km de la capitale, pour tenter, en vain, de l’y arrêter.
Dans une tribune d’opinion publiée le 3 janvier sur Aljazeera, Patrick Gathara, rédacteur en chef à « The New Humanitarian » s’alarme de cette prise pour cible d’un dessinateur par les autorités kenyanes, soulignant que « même pendant les pires jours de la dictature de Daniel Arap Moi, qui a duré 24 ans et ravagé le pays de 1978 à 2002, les caricaturistes n’ont pas été directement pris pour cible par l’État. »
Le 30 décembre, de nombreux Kényans sont descendus dans la rue pour protester contre la série d’enlèvements récents et inexpliqués de détracteurs du gouvernement. De nombreux cas avaient déjà été recensés l’été dernier alors que de jeunes Kényans participaient à une marche contre les hausses d’impôts proposées par l’administration Ruto.
Dans un communiqué publié le 26 décembre 2024, La Commission nationale des droits de l’Homme du Kenya (KNCHR) s’alarme du phénomène préoccupant des enlèvements dans plusieurs régions du pays, perpétrés clandestinement, par des personnes armées non identifiées. Elle souligne que les personnes enlevées sont des dissidents qui se font entendre, en particulier sur les plateformes sociales. Elle recense 82 cas d’enlèvements ou de disparitions forcées depuis le mois de juin, dont 7 cas signalés en décembre. Au total, 29 personnes restent portées disparues depuis juin.
En juillet dernier, Irungu Houghton, directeur exécutif d’Amnesty International Kenya, s’alarmait de cas évidents d’abus et d’arrestations illégales, évoquant des cas de torture.
Si le président kenyan William Ruto a reconnu publiquement, pour la première fois, les abus de pouvoir commis par ses forces de sécurité, admettant qu’il y avait eu des « cas d’actions excessives et extrajudiciaires » de la part des forces de sécurité, il n’a pas précisé de quelles actions il s’agissait.
Cartooning for Peace appelle à ce que toute la lumière soit faite sur les circonstances de la disparition de Kibet Bull, survenue dans un contexte très alarmant pour l’intégrité physique du dessinateur.